
Boèce à écris une des œuvres les plus importantes sur la doctrine de la Trinité, De Trinitate. Thomas d’Aquin à écrit un commentaire excellent sur le De Trinitate de Boèce. Il procède à travers le livre de Boèce de manière dialectique. Son premier questionnement est : « L’âme humaine a-t-elle besoin d’une nouvelle illumination de la lumière divine pour connaître la vérité? » Comme d’habitude, Thomas commence en considérant des opinions qui sont contraires de ce qu’il pense est véridique. Il cite le Psaume 4 :7 et Augustine comme autorités contre les positions contraires, et, donne quelques raisons pour rejeter les positions contraires. Par la suite, il donne sa propre réponse à la question. La voilà :
« Il faut dire qu’il y a cette différence entre les vertus actives et les vertus passives, que les forces passives ne peuvent se traduire en acte d’opération propre sans être mues par leurs actifs, comme les sens ne peuvent sentir sans être mûs par les choses sensibles. Mais les forces actives peuvent opérer sans être mues par une action étrangère, comme on le voit dans les forces de l’âme végétative.
Mais dans le genre de l’intellect on trouve une double puissance, la puissance active ou l’intellect actif, et la puissance passive ou l’intellect possible. Des philosophes ont supposé que le seul intellect possible est une puissance de l’âme, et l’intellect actif une certaine substance séparée, c’est l’opinion d’Avicenne. Suivant cette opinion l’âme humaine ne peut faire un acte d’opération propre, qui est la connaissance de la vérité, sans être éclairée d’une lumière extérieure, à savoir de cette substance séparée qu’on appelle intellect actif.
Mais comme les paroles d’Aristote dans le troisième livre de l’Âme semblent plutôt dire que l’intellect est une puissance de l’âme, et que la sainte Écriture favorise ce sentiment en enseignant que nous sommes gratifiés d’une lumière intellectuelle à laquelle Aristote compare l’intellect actif, il y a par conséquent dans l’âme par rapport à l’opération intellectuelle, qui est la connaissance de la vérité, une puissance active et une puissance passive. C’est pourquoi, comme quelques puissances actives naturelles jointes à leurs passifs suffisent pour les opérations naturelles, de même aussi l’âme de l’homme ayant en elle une puissance active et une puissance passive, suffit à la perfection de la vérité.
Mais comme toute puissance créée est finie, son efficacité sera limitée à des effets déterminés. Elle sera donc impuissante pour certains effets, à moins qu’elle ne reçoive une nouvelle vertu. Ainsi donc, il y a certaines vérités intellectuelles auxquelles s’étend l’efficacité de l’intellect actif, comme les principes que l’homme connaît naturellement, et les conclusions qui en sont déduites; pour les connaître, il n’est pas besoin d’une nouvelle lumière intellectuelle, la lumière naturelle suffit pour cela. Il en est d’autres auxquelles ne s’étendent pas les principes mentionnés, telles que les choses de foi et les choses qui surpassent la portée de la raison, comme les futurs contingents et autres choses semblables; l’esprit humain ne peut pas les connaître sans être éclairé d’en-haut d’une nouvelle lumière ajoutée à la lumière naturelle.
Mais quoiqu’il ne soit pas besoin de l’addition d’une nouvelle lumière, pour connaître les choses qui sont du domaine de la raison naturelle, l’opération divine est néanmoins requise; en effet, outre l’opération par laquelle Dieu a constitué la nature des choses, en donnant à chacune des formes et des vertus propres, par le moyen desquelles elles pussent exercer leurs opérations, il opère aussi dans les choses des œuvres de providence, en communiquant le mouvement à leurs forces, et en les dirigeant à des actes propres. Car toutes les créatures sont soumises au gouvernement de Dieu comme les instruments le sont à l’action de l’artisan, et les qualités naturelles à la vertu de l’âme nutritive, comme il est dit dans le second livre de l’Âme. C’est pourquoi, comme l’œuvre de la digestion s’opère par la chaleur naturelle, suivant la règle imposée à la chaleur par la force digestive, et toutes les forces inférieures des corps opèrent, en vertu du mouvement et de la direction qu’elles reçoivent des forces des corps célestes, de même toutes les forces actives créées opèrent suivant la direction et le mouvement que leur imprime le Créateur. Ainsi donc l’esprit humain a besoin de l’opération divine dans la connaissance de la vérité, mais dans les choses connues naturellement, il n’a pas besoin d’une nouvelle lumière, mais seulement du mouvement et de la direction de Dieu. Mais dans les autres choses, il a besoin aussi d’une nouvelle illumination. Et comme Boèce en parle, il dit: Quantum divina lux, etc. »
Comme d’habitude, c’est toujours profitable de lire les réponses de Thomas d’Aquin aux positions contraires. Pour cette question Thomas présente 8 positions contraires, et prends le temps de répondre à chacunes. Nous allons seulement citer les réponses aux positions 6, 7, et 8 :
« A la sixième il faut répondre ce que dit saint Augustin, livre VIII sur la Genèse Comme l’air est illuminé par la présence de la lumière dont l’absence l’enveloppe immédiatement de ténèbres, de même l’âme reçoit de Dieu la lumière; de même Dieu rie produit pas dans l’âme une lumière successivement différente, mais bien une lumière toujours la même, car il n’est pas seulement la cause du fieri de cette lumière, mais aussi la cause de son esse. Dieu opère donc continuellement dans l’âme en ce qu’il produit en elle la lumière naturelle et la dirige, et de cette manière l’esprit n’exécute ses opérations qu’avec le secours de la cause première.
A la septième il faut répondre que la volonté ne peut jamais bien vouloir sans l’instinct d’en haut; elle peut vouloir le bien sans l’in fusion de la grâce, mais non d’une manière méritoire. De même l’intellect ne peut connaître aucune vérité sans l’action divine; il le peut néanmoins saris l’infusion d’une nouvelle lumière, mais non pas les choses qui excèdent la cognition naturelle.
A la huitième il faut répondre que par-là même que Dieu, en conservant en nous la lumière naturelle, la produit et la dirige à la vision, il est évident que la perception de la vérité doit lui être principalement attribuée, comme l’opération de l’art est plutôt attribuée à l’artisan qu’à l’art. »
Citations trouvées :
Thomas d’Aquin, Commentaire sur le De Trinité de Boèce, Traduction Abbé Védrine (Paris : Editions Louis Vivès, 1857). Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, 2004.
Pour lire plus en ligne : http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/opuscules/69latrinitedeBoece.htm