
Philippe de Mornay (1549-1623) était un théologien et écrivain protestant de France. Connu comme un politicien, un diplomate, un dirigeant important des huguenots, et un penseur réformé exceptionnel, Philippe était aussi fondateur, en 1599, de l’académie protestant de Saumur.
Dans le chapitre 2 de son livre De la vérité de la religion chrétienne, Philippe parle de la relation entre la raison naturelle et la révélation spéciale :
« Il y a véritablement diverses parties dans la Religion, dont la raison naturelle nous fournit de grandes preuves, comme sont l’existence de Dieu, la providence, la nature & l’immortalité de l’âme, nos principaux devoirs : Mais il y en a beaucoup aussi à l’égard desquelles elle est entièrement muette ; on prétend même qu’elle leur soit contraire, ce qui n’est point. Mais il faudrait être bien simple, ou bien prévenu, pour vouloir chercher dans les lumières naturelles les preuves de tous les dogmes de l’Évangile: il n’y a que l’autorité de la Religion qui nous les puisse faire recevoir, & une autorité infaillible & souveraine comme la sienne. Je soutiens même que ce que la Religion nous enseigne de la nature de Dieu, de son existence, de la providence, de l’immortalité de l’âme, de nos devoirs, est beaucoup plus certain par l’autorité de la Religion, que par la force de la lumière de la nature ; l’autorité de la Religion étant plus facile à démontrer, que la vérité des raisonnements sur lesquels on fonde ces Articles.
Il y a encore cet avantage en cherchant les diverses parties de la Religion, dans la Religion même, que par ce moyen on est sûr d’avoir un culte : agréable à Dieu, & de lui présenter un service qui sera récompensé. Au lieu qu’en fondant sa foi & son culte sur les simples lumières naturelles, on ne saurait parvenir à la même consolation. Je veux que l’on raisonne bien, qu’on forme une belle idée de Religion ; mais qui nous assurera qu’elle sera agréable à Dieu, & qu’il la voudra récompenser? Socrate dont les maximes & les actions étaient également justes & pures, doute sur la fin de sa vie de la récompense, parce qu’il n’avait suivi que la raison, & non la révélation. J’ai fait, dit-il, pendant le cours de ma vie, le mieux que j’ai pu & que j’ai su : mais pour cela je ne suis pas certain d’être agréable aux Dieux ; mais si par suivre ce qu’on juge le meilleur on plait à la Divinité, j’espère de ne lui être pas désagréable. Ajoutez à cela un peu de confiance, telle que la Religion nous la donne, & vous aurez le discours le plus religieux & le plus raisonnable qu’un Chrétien puisse faire : mais Socrate ne peut que douter de la récompense, tandis qu’il n’a que sa Philosophie & sa raison pour la règle de ses actions.
L’autorité de la Religion a de si grands avantages par-dessus la raison, qu’il faut qu’elle cède nécessairement & sacrifié ses propres lumières, lorsqu’une révélation manifeste leur est contraire. (Philippe de Mornay, De la vérité de la religion chrétienne (Amsterdam : Abraham Wolfgang, 1687), 10-13.) »