
Augustin (354-430), théologien qui a influencé tous les théologiens Chrétiens depuis son temps (autant Catholique Romain que Protestant), dans son livre sur la doctrine chrétienne, parle de comment le penseur chrétien devrait utiliser les penseurs païens. Il dit,
« Si les philosophes et principalement les Platoniciens ont parfois déposé dans leurs écrits quelques vérités conformes à notre foi, il est hors de doute qu’au lieu de les rejeter nous devons les leur ravir comme à d’injustes possesseurs et les tourner à notre usage. Le peuple d’Israël avait rencontré en Égypte non-seulement des idoles et des fardeaux accablants qu’il devait fuir et détester, mais aussi des vases d’or et d’argent, des vêtements et des ornements précieux. Or, à sa sortie dans le désert, par le commandement même de Dieu, il enleva toutes ces richesses pour les consacrer à un plus saint usage, et ce furent les Égyptiens eux-mêmes qui ignorant leur dessein leur confièrent ce dont ils faisaient un si criminel abus. Pourquoi n’agirions-nous pas de même à l’égard des sciences des infidèles? A côté des fictions superstitieuses, des fables, des fardeaux onéreux et vains que chacun de nous doit fuir et détester en sortant de la société païenne pour entrer sous la conduite du Christ, ne renferment-elles pas aussi des connaissances utiles à la vérité, d’excellentes règles des mœurs, et des préceptes sur le culte d’un Dieu unique? Là est leur or et leur argent qu’ils n’ont pas créé, mais tiré des trésors de la divine Providence, qui est répandu partout, et dont ils font un mauvais usage en les sacrifiant aux démons. Nous donc, chrétiens, en détachant notre âme de leur société perverse, ne devons-nous pas leur enlever ces trésors, pour les faire servir à la juste cause de l’Évangile? Nous sera-t-il défendu de toucher à leurs vêtements, c’est-à-dire à ces institutions humaines accommodées aux besoins de notre vie sociale, pour nous en emparer et les convertir en des usages chrétiens?
N’est-ce pas là, du reste, ce qu’ont fait nos plus illustres fidèles? Ne voyons-nous pas de combien de métaux et de vêtements précieux se sont chargés en sortant de l’Égypte Cyprien, notre éloquent et bienheureux martyr, Lactance, Victorin, Optat, Hilaire et tant d’autres parmi les Grecs? N’avaient-ils pas l’exemple de Moyse lui-même, ce fidèle serviteur de Dieu, duquel il est écrit qu’il était versé dans toute la science des Égyptiens? Certes, le paganisme, jouet de la superstition, n’aurait pas fait part à ces grands hommes des connaissances utiles qu’il possédait, dans ces temps surtout où repoussant le joug du Christ il persécutait ses serviteurs, s’il eût soupçonné qu’elles devaient servir à fonder le culte d’un Dieu unique et renverser celui des idoles; mais en livrant son argent, son or et ses vêtements, au peuple qui sortait de l’Égypte, il a ignoré dans son aveuglement que ses richesses mêmes seraient consacrées à la gloire du Christ. Ainsi, je puis l’affirmer sans préjudice de toute autre interprétation, le fait raconté dans l’Exode n’était que la figure de ce qui devait se passer dans l’Église du Christ. »
(De la doctrine chrétienne, livre 2, ch. XL, trad. Péronne, Écalle, Vincent, Charpentier, et Barreau, 1873)